40. ENCYCLOPÉDIE : COMPLEXE DE MONSIEUR PERRICHON
Dans sa pièce Le Voyage de Monsieur Perrichon, Eugène Labiche, auteur français du XIXe siècle, décrit un comportement humain a priori incompréhensible et pourtant complètement banal. L’ingratitude.
M. Perrichon s’adonne sur le Mont-Blanc aux joies de l’alpinisme en compagnie de son valet, tandis que sa fille se repose dans son chalet. À son retour, il lui présente deux jeunes gens qu’il a rencontrés dans les montagnes. Le premier, explique-t-il, est un garçon formidable auquel lui, Perrichon, a sauvé la vie alors qu’il était sur le point de périr dans un précipice. Et le jeune homme de s’empresser de confirmer qu’effectivement, sans M. Perrichon, à cette heure il serait mort.
Le valet presse alors son maître de présenter le deuxième arrivant. Celui-là, pour sa part, a secouru M. Perrichon alors que lui-même était tombé à son tour dans une crevasse. M. Perrichon hausse les épaules, déclare qu’il n’était pas en si grand danger que cela et juge son sauveur arrogant et prétentieux. Son récit minimise l’importance du deuxième jeune homme. Évidemment, le père incite sa fille à s’intéresser au premier garçon, si sympathique, plutôt qu’au second dont l’intervention lui apparaît de plus en plus inutile. Au point qu’il en vient même à s’interroger : a-t-elle réellement eu lieu ?
Dans cette pièce, Eugène Labiche illustre cet étrange comportement qui fait que l’homme est non seulement presque incapable de reconnaissance et de gratitude mais, pis encore, en arrive à détester ceux qui lui sont venus en aide. Peut-être par crainte de leur être désormais redevable… En revanche, nous aimons ceux que nous avons nous-mêmes aidés, fiers de notre bonne action et convaincus de leur gratitude éternelle.
Edmond Wells,
Encyclopédie du Savoir Relatif et Absolu, Tome V.